Sexualité et fertilité

Nos conversations, surtout au début, étaient extrêmement difficiles, mais elles nous ont bien servis à la longue. –Anonyme

Quand on souffre d’une maladie avancée, ça change des choses au niveau de la sexualité et de la fertilité. Nous parlons ici des effets secondaires de nos traitements et de leur impact sur notre sens inné de la sexualité et notre capacité physique d’avoir des rapports sexuels. Nous décrivons les nouveaux moyens que nous avons trouvés pour explorer l’intimité sexuelle et communiquer avec nos partenaires. Nous décrivons aussi nos sentiments vis-à-vis de la fertilité et la douleur que nous éprouvons à l’idée de ne plus pouvoir avoir d’enfants.

Mon mari est plein d’empathie et de compréhension.

Il n’a jamais essayé de forcer quoi que soit. Il ne m’a jamais rabaissée à propos de mes désirs ou de mes capacités réduites. On a toujours réussi à discuter de ces sujets normalement. Les jeunes adultes atteints d’un cancer n’ont apparemment pas beaucoup de libido, mais ce n’est pas mon cas. J’ai encore envie de faire l’amour assez souvent, mais mon corps ne suit pas toujours. Et puis j’ai toujours mes règles. J’espérais pouvoir en être débarrassée, mais ça continue. Au moins je suis régulière. J’ai encore de la lingerie; je la porte quand je veux et j’essaie de sortir à l’occasion. Ce qui est bien avec nous, c’est qu’on peut juste se câliner sur le canapé. On se débrouille quand même très bien. Par exemple, quand je souffrais de vaginisme, mon mari ne m’a jamais mis de pression. Je suis allée voir mon médecin pour lui parler de mes difficultés et il m’a aidée à trouver des solutions.

J’ai mal au vagin.

Est-ce comme ça quand on a 80 ans? Si c’est le cas, comment ils font pour avoir des rapports sexuels? Ma ménopause prématurée a pris fin il y a quelques semaines, sauf que là, j’ai perdu ma libido et j’ai trop mal au vagin pour faire l’amour. Et le lubrifiant n’est pas une option parce que ma peau est devenue trop sensible. J’en ai parlé au médecin qui s’occupe de mes symptômes. La gynécologie, ce n’était pas nécessairement son truc, mais il a fait venir une équipe pour essayer de comprendre ce qui se passait. Nous avons bien ri tous ensemble. S’ils n’avaient pas ri de mes mauvaises blagues et de mon humour noir pendant que j’avais les jambes écartées sur la table d’examen, ça aurait été plutôt gênant. Je suis rentrée chez moi avec un lubrifiant aux hormones. Ça n’a pas réveillé ma libido, mais ça a fonctionné assez bien pour que je me dise que les femmes ménopausées devaient être contentes qu’un tel produit existe.

Après mon oophorectomie, mon corps a commencé à produire moins d’œstrogènes. Ma capacité d’avoir des enfants était compromise, et avec mon problème de vaginisme (contractions douloureuses du plancher pelvien), mes rapports sexuels devenaient pénibles.

La chimio cause parfois le même problème, mais les gens n’aiment pas en parler. Il faut que j’utilise des dilatateurs et des crèmes en prévision d’un rapport sexuel, et je dois m’y consacrer au moins 15 minutes par jour pour maintenir un niveau d’élasticité suffisant. C’est de l’ouvrage! En plus, je ne me sens plus aussi belle qu’avant et nos rapports sexuels sont différents parce que mon mari a toujours peur de me faire mal. Ce n’est vraiment pas évident.

À 26 ans, je n’avais plus de seins.

J’étais en ménopause. Mon horloge biologique s’est arrêtée brutalement. J’étais tellement toxique à cause de la chimio que je devais faire partir la toilette deux fois de suite après avoir fait pipi. Mon mari aussi avait moins le goût à cause de sa peur de me faire mal, de ma fatigue, de mes multiples rendez-vous, des mauvaises nouvelles, de la progression de mon cancer et de la transformation de mon corps. Nous partageons toujours des moments intimes à se câliner, à s’embrasser, à se toucher, à se tenir les mains, mais le sexe n’a tout simplement plus la même importance qu’avant.

C’est un sujet qui revient souvent dans nos discussions.

Ce n’est pas toujours facile d’en parler, mais je n’ai pas envie d’être dans un couple qui ne se parle pas. Mon mari n’a pas vraiment le choix de respecter ça. Mon état et mon cancer n’arrangent pas les choses. Je n’ai pratiquement pas de libido, pas de désir, mais j’ai encore des besoins d’intimité, et il fallait qu’on en parle. Ça fait 13 ans qu’on est ensemble. J’ai dû lui tirer les vers du nez au début, mais il s’ouvre davantage que je n’aurais pu l’imaginer d’un partenaire. Ce n’est peut-être pas toujours lui qui aborde le sujet, mais on a des conversations interminables, des centaines de conversations sur le sexe et ça a vraiment atténué les sentiments de culpabilité que j’éprouvais avant. C’est si facile de faire fausse route quand on évite le sujet. Je m’effondrerais tout simplement si on ne se disait rien et qu’on passait deux mois sans faire l’amour. Je me dirais « Oh mon Dieu, à quoi il pense? » ou « Est-ce qu’il va voir ailleurs? » J’aurais envie, et lui se dirait « Ça ne lui tente pas; elle est rendue tellement malade et je ne veux pas lui faire mal. » Il peut y avoir tellement de malentendus quand on ne se parle pas.

Nos conversations, surtout au début, étaient extrêmement difficiles, mais elles nous ont bien servis à la longue.

Nos conversations m’ont libérée de ma culpabilité et nous ont permis d’exprimer nos sentiments l’un pour l’autre. À partir de là – allez comprendre pourquoi – les autres facettes de notre intimité ont pris le dessus. On n’a pas pour autant renoncé au sexe; c’est juste qu’on n’en fait pas une priorité. On ne se dit pas « Merde! Quelque chose ne va pas parce qu’on a fait l’amour seulement deux fois cette semaine. » À la place, on regarde un film, on se câline et on se fait des choses qui ne se font qu’entre partenaires. C’est de l’intimité. Mais elle est souvent exempte de rapports sexuels.

J’ai deux fractures au bassin et une fracture par compression dans le bas de la colonne vertébrale parce que le cancer fragilise mes os.

C’est vraiment agréable de faire l’amour avec moi! J’ai mal partout. Je prends plein de narcotiques. Je souffre constamment. J’ai la colonne vertébrale d’une personne de 85 ans. Je n’ai rien d’une poulette même si j’ai la trentaine. Il n’y a plus beaucoup de place pour de la spontanéité. Je ne vois pas vraiment comment j’arriverais à me faire dire « Wow, bien joué! Je ne m’attendais pas à ça! » parce que j’ai besoin d’un long préavis. Ça prend un peu plus de planification ou d’organisation. Il se peut que je doive planifier les choses en fonction du moment où je prendrai mes antidouleurs ou alors que je prenne une dose efficace. Bye bye la spontanéité.

Je pense vraiment qu’une vidéo de gériatrie, un genre de guide pas trop explicite serait utile.

Quelque chose où tout le monde est habillé, mais qui illustrerait des rapports sexuels entre personnes âgées. Je pense que ce serait très utile. Ce n’est pas comme si je pouvais simplement enchaîner les positions comme avant. Je suis à plat; je me sens tellement vieille. Je ne sais même pas comment l’expliquer parce que c’est tellement différent.

Je pense aussi qu’on envisage le sexe quelque peu différemment désormais.

C’est de ressentir cette intimité et cette proximité avec ma partenaire au lieu de « Je me sens coquin ce soir; restons à la maison ». Les attentes sont différentes; l’enthousiasme n’est plus le même. Ce n’est pas disparu. C’est juste très différent.

Le chirurgien thoracique m’a dit que mon nouveau traitement de chimiothérapie me rendrait infertile.

Je n’avais pas vraiment pensé à ça durant mon premier traitement de chimiothérapie. J’avais d’assez bonnes chances de rester fertile après ce traitement, mais apparemment, la toxicité est cumulative et mon risque d’infertilité est passé de 25 % à 99 %. Le médecin me l’a appris de façon directe et froide, et ça m’a aussitôt causé une attaque de panique. Dieu merci, les infirmières sont venues à ma rescousse avec un sac en papier pour que j’arrête d’hyperventiler. J’ai pleuré pendant des jours. Je n’ai jamais autant pleuré de toute ma vie. Les infirmières ont essayé de m’aider. L’une d’elles m’a même emmenée à une clinique de fertilité pour qu’on discute des options qui s’offrent à moi. Mais il n’y a rien à faire, et même s’il y avait des solutions, ça coûterait trop cher. Cette visite m’a toutefois permis d’accepter ma nouvelle réalité.

Un soir, quelques mois plus tard, je me suis soudainement trouvée dans l’incapacité de respirer sans que ça fasse terriblement mal, et on m’a envoyée de toute urgence passer examen de tomodensitométrie.

Mais une autre réalité est venue remplacer le choc initial de la nouvelle de mon infertilité : un diagnostic de fin de vie. Mon objectif était maintenant de vivre le moment présent, de tâcher de profiter au maximum de chaque journée et de me consoler pour chaque partie de mon corps qui ne m’avait pas encore lâchée. Mon nouvel espoir n’était pas d’avoir des enfants, mais de vivre assez longtemps pour voir un autre printemps.

Le plus difficile, peut-être, c’est d’apprendre qu’on ne pourra plus avoir d’enfants.

J’ai rencontré des médecins spécialistes en fertilité et ils m’ont dit qu’ils n’offraient pas de traitements de fécondation in vitro aux personnes atteintes d’un cancer de stade IV. Premièrement, il faudrait que je mette en veilleuse mon traitement contre le cancer. Deuxièmement, ce serait extrêmement dangereux parce que j’ai un cancer hormonodépendant. Mon médecin m’a aussi dit que je ne pourrais jamais adopter un enfant et que même les personnes en rémission ou apparemment guéries sont refusées, même quand elles ont un partenaire en bonne santé. Je comprends que les agences d’adoption refusent des personnes atteintes d’un cancer de stade IV et veulent deux parents en bonne santé, mais même quand l’un des parents a une bonne espérance de vie, l’adoption n’est pas une option envisageable avec une agence. Personne n’est à l’abri de la mort et la plupart des jeunes adultes n’ont pas les moyens de se payer des traitements de fécondation in vitro. Les coûts sont astronomiques : jusqu’à 100 000 $ si on me le permettait. C’est vraiment hors de portée pour beaucoup de jeunes qui sont au début de leur carrière ou qui remboursent leurs prêts étudiants, à moins qu’ils ne bénéficient d’un soutien financier important de la part de leur famille et de leur entourage.

Je n’étais pas la seule à m’inquiéter de ma perte de fertilité.

Un soir que j’étais en radiologie, la technicienne s’est aperçue au dernier moment qu’elle avait oublié de me mettre un tablier plombé. Je me suis sentie assez à l’aise avec elle pour lui dire de ne pas s’occuper de ça puisque je ne peux pas avoir d’enfants de toute façon. Elle s’est arrêtée et son regard m’a touchée au plus profond de mon âme, jusqu’à combler le gouffre de la solitude que je ressentais depuis des mois après avoir surmonté le deuil de ma fertilité par mes propres moyens. Ça peut paraître tragique d’une certaine façon d’échapper des larmes dans un moment de panique, mais ce moment tellement vrai, tellement authentique, me donne chaque jour la force de savoir que je ne suis jamais vraiment seule. Ce soir-là, j’ai pris conscience d’une réalité indéniable : je suis entourée de plein de gens qui, comme cette technicienne, se soucient profondément de moi et sont tous là près de moi. Ces personnes-là n’essaient pas seulement de me sauver la vie en faisant leur travail, elles se soucient de la personne que je suis et de ma qualité de ma vie sur toute la ligne.

Conseils des fournisseurs de soins de santé

La sexualité

Le terme sexualité se rapporte aux personnes pour qui on éprouve de l’attirance, à la façon dont on se définit comme êtres sexués et à la manière dont on réalise ses désirs sexuels. La sexualité, c’est plus que le comportement sexuel d’une personne avec ou sans partenaire. Nous demeurons des êtres sexués jusqu’aux derniers instants de notre vie, même si on en parle peu et si ça reste un peu un sujet tabou. La sexualité en fin de vie se rapporte à l’attachement et à la validation de l’identité et des sentiments vis-à-vis d’un ou d’une partenaire ou, lorsqu’on est célibataire, à l’envie d’avoir un ou une partenaire. La réalisation de ces désirs n’est pas toujours facile, notamment à cause des symptômes (douleurs, faiblesse, etc.) et des effets secondaires des médicaments. Il y a aussi des obstacles logistiques à l’expression de la sexualité, notamment la promiscuité d’une maison de soins palliatifs ou d’une résidence, avec l’omniprésence des membres de la famille ou du personnel. Il n’est peut-être pas toujours possible d’avoir des rapports sexuels, mais rien ne devrait faire obstacle aux caresses et à toute autre activité érotique. La masturbation (à deux ou en solo), le sexe oral ou les massages sensuels sont des gestes réconfortants et affectueux, mais vous devez réclamer et obtenir l’intimité dont vous avez besoin pour entretenir cette dimension importante de votre identité, où que vous soyez.

La fertilité

Beaucoup de gens espèrent un jour avoir des enfants. Bien sûr, certaines personnes choisissent de ne pas avoir d’enfants. À cause du cancer, certaines personnes n’ont pas la possibilité de choisir, et cela peut les attrister au plus haut point. Pour certaines personnes, mettre du sperme ou des ovules en banque pourrait ne pas être une option en raison de leur âge au moment du diagnostic, de l’urgence du traitement ou de leur situation financière. On imagine aisément la tristesse et la frustration que cela peut leur causer lorsqu’elles sont prêtes à avoir des enfants. Quand on se retrouve en situation de fin de vie, le fait d’avoir manqué l’occasion d’avoir un enfant (ou de laisser un legs sous la forme d’un ou de plusieurs enfants) peut s’avérer d’autant plus douloureux. Mieux vaut accepter cette douleur et faire le deuil de cette occasion manquée. Il n’y a pas de solution facile lorsqu’on éprouve de tels sentiments, et les platitudes que certains serviront ne changeront rien au vide et au deuil que l’on ressent. Ce ne sera pas nécessairement facile d’en parler avec vos proches et amis, car ils seront peut-être eux aussi très attristés ou incapables de trouver les mots pour vous réconforter. Si vous éprouvez des sentiments de tristesse ou de détresse à l’idée de ne pas pouvoir avoir d’enfants, il serait peut-être bon d’en discuter avec un professionnel.

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