« En cinq ans, je n’ai rencontré aucun survivant du cancer de mon âge. Je ressentais un grand isolement, et c’était un besoin que je devais combler. » - Matt
Le fait de vivre avec une maladie à un stade avancé change les relations avec la famille, les amis et les autres. Il faut faire attention à ce qu’on se dit et investir du temps et des efforts dans les liens qui nous unissent. On se demande ici comment rester authentique et ne pas s’isoler. Il est aussi question de la relation complexe qui nous unit à nos équipes de soins.
Un vrai ami est capable d’écouter et comprend que
le cancer fait désormais partie de ma vie.
Heureusement, j’ai des amis qui me disent des choses comme :
« Tu t’es brossé les dents aujourd’hui? Bravo! Félicite-toi, c’est une bonne journée!
Il me semble que les gens me montrent plus facilement leur amour.
Je me fais dire « je t’aime » par des amis qui ne l’auraient peut-être pas dit avant. Je leur suis vraiment reconnaissante de me montrer leur amour en me donnant de l’aide.
En cinq ans, je n’ai rencontré aucun survivant du cancer de mon âge.
Je ressentais un grand isolement, et c’était un besoin que je devais combler. Je l’ai fait auprès de Young Adult Cancer Canada (YACC) (et plus tard, à moindre échelle, à la Fondation canadienne des tumeurs cérébrales). Cet été-là, j’ai participé au week-end « Retreat Yourself » de YACC. Ça a changé ma vie. J’ai ressenti une connexion réelle pour la première fois. Je sentais qu’on me comprenait, que j’étais à ma place, et je me suis fait des amis pour la vie. Le sentiment perdure d’année en année grâce aux conférences annuelles de YACC et à sa présence sur les médias sociaux.
Il y a des gens que tu n’aurais jamais pensé perdre. Tu pensais pouvoir toujours compter sur eux et, tout à coup, ils te coupent de leur vie, te blâment, te font des reproches, etc.
Des fois, c’est un mécanisme de défense. Le cancer, la mort leur fait peur et ils veulent les tenir à distance le plus possible, même s’ils savent que ce n’est pas contagieux. C’est un réflexe d’autoprotection, l’instinct de s’éloigner du danger qu’on perçoit. Il y a aussi des trous de cul qui se poussent quand ça vire mal. J’ai des amis dont le couple ou la relation s’est brisé. Quand tu creuses un peu, tu te rends compte que ça n’allait déjà pas fort avant et que le cancer a été la goutte qui a fait déborder le vase. Enfin, il y a aussi des gens dont tu n’étais pas particulièrement proche et qui débarquent chez toi avec des plats cuisinés, qui gardent tes enfants pendant que tu piques un somme, qui te conduisent à tes rendez-vous ou qui prennent de tes nouvelles et qui offrent de te sortir.
J’ai beaucoup de gens qui m’appuient. Je pense que c’est important dans ce genre de situation.
Par contre, je ne sais pas trop comment on recrée ça pour quelqu’un d’autre. C’est la beauté de ce projet : il aide à tisser des liens.
Je fais partie de différents groupes Facebook qui regroupent soit des personnes atteintes d’un cancer métastatique, soit des jeunes femmes atteintes du cancer du sein, soit des parents cancéreux.
Aucun ne correspond parfaitement à ma situation de jeune mère atteinte d’un cancer du sein de stade IV, mais chacun m’apporte quelque chose.
La plupart des amis que je me suis faits après mon diagnostic sont morts.
Pour mon type de cancer, les chances de survie après cinq ans sont de 20 %. Au début, nous étions un groupe de cinq jeunes femmes à avoir la même maladie. Il ne reste plus que moi. Les amitiés qui naissent d’un besoin mutuel d’entraide et de soutien peuvent aussi amener de la souffrance, la culpabilité du survivant, etc. Il faut trouver le moyen de faire la paix avec ça.
En tant que cadette d’une famille de trois, je suis le bébé de la famille!
C’est difficile d’annoncer des mauvaises nouvelles à tes parents. Ils t’ont élevé en te protégeant des choses qu’ils croyaient trop difficiles à comprendre ou à supporter pour toi. Je fais un peu la même chose avec eux. Mes parents habitent trop loin pour assister à tous mes rendez-vous. Ils sont assez jeunes aussi, pas encore à la retraite. Je peux donc filtrer l’information que je leur donne, et choisir le moment. Je ne leur cache rien, mais je me rends compte que j’essaie, comme ils l’ont fait pour moi plus jeune, de les protéger en laissant de côté les menus détails du cancer terminal de leur « bébé ».
Je pense que mes parents espèrent encore que je vais guérir.
Ce n’est pas facile pour eux d’en parler. Leur plus jeune est en fin de vie. Quand j’essaie d’aborder la mort et la fin de vie avec eux, il y a beaucoup de silences inconfortables.
Je suis dans une drôle de position.
Plus je suis malade et je reçois de soins, plus j’ai soif d’indépendance. J’ai beaucoup de chance. Mes parents me donnent un coup de main pour la lessive, la nourriture et les rendez-vous à l’hôpital, mais ils respectent mon choix d’avoir mon appartement. Ils comprennent mon besoin de vivre ma vie, quelle que soit la forme qu’elle prend maintenant, et m’épaulent sans s’immiscer dans mes affaires. J’éprouve beaucoup de gratitude pour eux. Un de mes amis qui a le cancer habite seul dans un appartement, sans personne pour l’aider. Une autre est à l’école secondaire et habite chez ses parents. J’ai conscience de ma chance. Cette gratitude m’aide à traverser mes journées et à revoir ma définition d’une vie bien remplie.
Mon mari participe à toutes les décisions à prendre, et il y en a une tonne.
Chaque semaine, il y a un nouveau choix déterminant à faire ou une autre étape à envisager à cause de telle ou telle circonstance. Je ne prends aucune décision sans lui, mais ce n’est pas par manque de confiance en moi. Je dis souvent « notre diagnostic », « nous avons le cancer », « notre rendez-vous de demain », etc. Je parle toujours au « nous ».
Nous sommes une famille militaire.
Je pense que ça nous aide un peu, parce qu’on a appris à profiter de nos moments ensemble. Quand mon mari se fait déployer à l’étranger, il est parti pour un bout de temps, alors c’est différent d’un couple qui se voit tous les jours. En fait, on adore passer du temps ensemble. Ça se trouve que mon meilleur ami est aussi mon mari. On fait tellement de choses ensemble. On aime les festivals de science-fiction et, quand on y va, on se déguise. L’an dernier, on s’est déguisés en centaures. Cette année, on voudrait se déguiser en personnages d’une BD Web qu’on aime.
En parler, ça met la réalité en face.
Ce n’est pas un rêve. Je suis contente qu’on ait discuté de toutes les éventualités, même si la conversation a été extrêmement difficile. Mon mari est content aussi, mais je crois que personne d’autre que nous n’a vraiment accepté que cette maladie va me tuer. Quand les gens refusent de faire face à la réalité, c’est vraiment difficile. Mon mari et moi partageons une grande tristesse. On traverse à peu près tout en riant, sans doute pour ne pas pleurer. On se dit qu’il vaut mieux rire que de se fâcher et de s’engueuler. Ce n’est pas facile, mais c’est un choix conscient qu’on a fait ensemble.
Je peux compter sur mon amoureux tous les jours.
Quand on est ensemble, on fait comme si je n’étais pas malade, même si je peux à peine bouger du sofa et que j’ai besoin d’aide pour monter les marches, me lever et me coucher. Les gens l’appellent mon « vaillant chevalier », mais il m’inquiète. On dirait qu’il refuse d’accepter la gravité de ma maladie, et plus ma santé se détériore, plus il s’enfonce dans le déni. Je ne veux pas trop insister, mais chaque fois qu’on parle de pronostic, il fait comme si tout allait s’arranger. Tout ce que je sais, c’est que je ne voudrais pas qu’il me trouve morte dans mon lit ou partir sans savoir qu’il va s’en remettre.
Comme nous avons de jeunes enfants, ça donne tout un choc au début.
Tu veux élever tes enfants, ça va de soi, et tout à coup tu dois te faire à l’idée que quelqu’un d’autre, des fois quelqu’un que tu ne connais même pas, va peut-être les élever à ta place. Ça fait peur. Tu veux voir tes enfants grandir, tu sais déjà à peu près le genre de jeunes adultes que tu veux qu’ils deviennent et que tu veux former. Tu veux leur donner et leur apprendre certaines choses, leur donner certaines libertés. Des fois, ce sont des libertés que tu aurais toi-même voulu avoir plus jeune. Mais peut-être que la personne qui s’occupera d’eux après ta mort ne verra pas les choses de la même façon. Tu t’étais fait des idées, mais ce que tu espérais pourrait tomber à l’eau.
On m’a donné 33 mois à vivre.
Quand je l’ai su, je me suis demandé ce que serait ma vie à ce moment-là. Ma fille n’aurait pas encore commencé l’école, mon plus jeune n’aurait pas soufflé trois bougies et mon plus vieux ne serait même pas proche de commencer le secondaire. C’était un peu déprimant, mais en même temps, j’essaie d’être réaliste. Ce n’est pas tout le monde qui vit longtemps, et tout peut changer du jour au lendemain. Comme je réagissais bien à la chimio, je savais que la chance était de mon côté, et c’était le cas, parce que mon fils a maintenant trois ans. Il a plus de 36 mois, ce qui veut dire que j’ai dépassé les 33 mois!
On passe souvent à travers les mailles du filet parce que même les médecins tiennent pour acquis qu’une personne qui se porte bien et qui a l’air bien n’a pas le cancer.
On m’a refusé l’admission au programme de dépistage précoce parce qu’il n’y a pas de cancer dans mes parents au premier degré. Sachant qu’il y en a beaucoup dans ma famille et qu’il frappe jeune, dans la trentaine, j’étais sur mes gardes. Quand on m’a diagnostiqué un cancer de stade IV, on m’a dit : « On cherchait un cheval, mais tu es un zèbre. Tu as l’air d’un cheval, tu sonnes comme un cheval, mais tu n’es pas un cheval. » Alors ils ne savaient pas nécessairement quoi faire.
Pour moi, un bon oncologue, c’est quelqu’un qui me donne l’heure juste.
Je veux savoir exactement quels sont les risques et les bienfaits. Il faut aussi que je puisse lui faire confiance. Il faut qu’il m’écoute attentivement et qu’il réponde à mes questions. Il faut que j’aie son attention, que je le sente et que je sache qu’il n’est pas en train de penser à autre chose.
Aujourd’hui, j’ai vu un médecin pour une ordonnance de cannabis. Elle m’a demandé comment j’allais.
C’était la première fois que je la voyais. J’ai répondu : « J’ai un cancer de stade IV et un caillot, je viens d’avoir une transfusion et je fais de la chimio métabolique. » Elle m’a dit : « Oh, ça ne paraît pas! » Je me fais tout le temps dire ça. Je veux que le monde comprenne que même si je n’ai pas l’air malade, je ne me sens vraiment pas bien. J’ai l’impression d’avoir à me justifier. Je sais que c’est difficile à comprendre, mais c’est la réalité.
Nous avons fait beaucoup de recherches et parlé à beaucoup de monde, et le nom d’un certain oncologue revenait souvent dans la conversation. Il semblait correspondre à ce que je cherchais.
Nous lui avons écrit directement et il a répondu tout de suite. J’ai commencé le traitement très rapidement. Ce n’est pas tout le monde qui a accès à des soins de haute qualité au Canada, et c’est assez désolant. Le pays est vaste et beaucoup de gens habitent en région rurale. Les petits centres n’ont pas la capacité d’offrir tous les programmes, mais ce sont les patients qui en souffrent.
Je ne crois pas que mes infirmières à domicile aient d’autres patients de mon âge.
Elles viennent chez moi trois fois par jour, et certaines me parlent comme si j’avais deux ans et que je ne pouvais rien faire moi-même. Je suis malade, pas stupide. Mon corps est faible, mais je n’ai rien perdu de ma force d’esprit.
Quand j’ai reçu mon diagnostic, c’était dans un autre hôpital, plus petit, où il n’y avait pas d’oncologue.
Un chirurgien oncologue m’a dit au téléphone : « Vous avez un cancer de stade III. On va commencer par la chimiothérapie, puis l’opération, puis la radiothérapie, et vous serez bientôt hors de danger. » Il m’a dit que ce serait ma pire journée. Je l’ai cru. Puis, dix jours plus tard, j’ai reçu un autre appel où on m’a dit qu’il n’y avait plus rien à faire. La pire journée, c’était celle-là. Vraiment. C’était terrible. Dévastateur. Je trouve qu’il a été extrêmement irresponsable de me donner un diagnostic avant d’avoir toute l’information en main. Je ne lui faisais plus confiance, alors j’ai décidé de changer d’hôpital.
Les infirmières ici sont vraiment extraordinaires et compétentes.
Quand elles me piquent, je le sens à peine. C’est le genre de choses qui sont importantes pour moi. Des choses toutes simples comme la bienveillance.
L’oncologue idéal ne passe pas par quatre chemins. C’est la qualité que j’apprécie le plus.
C’est quelqu’un qui n’essaie pas d’embellir la réalité, mais qui ne ressent pas non plus le besoin d’imposer son point de vue. J’aime bien qu’il ait le sens de l’humour. Je n’aime pas pleurer en public, alors je ne veux pas d’un médecin qui me fait des « yeux tristes ».
J’ai besoin du soutien des autres.
Si vous avez peur de dire une bêtise, dites-moi que vous avez peur de dire une bêtise. Ce n’est pas une bonne idée de garder le silence. Ma vie est assez difficile en ce moment, je ne peux pas supporter qu’on se détourne de moi en plus. Au lieu de dire « Tu le dis si je peux t’aider? », dites : « Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider? » Ne laissez pas à la personne malade la tâche de vous demander de l’aide. Pensez à ce que vous pouvez offrir, selon vos forces. Si vous êtes massothérapeute, offrez un massage. Si vous faites des ménages, offrez de nettoyer la salle de bain. Si vous êtes bon pour trouver les meilleurs prix, offrez à la personne de réduire sa facture d’épicerie de 20 $. Si vous conduisez, offrez-lui de la reconduire à l’hôpital. Offrez de payer une ordonnance. N’importe quoi. Basez-vous sur vos forces pour trouver quelque chose. C’est ce qui est le plus utile. Côté pratique, ça m’aide beaucoup quand on m’appelle pour me dire : « Je suis à l’épicerie, as-tu besoin de quelque chose? » Monter dans la voiture, conduire, faire l’épicerie, revenir chez nous, ça me gobe énormément d’énergie. Ça me met à terre. Si quelqu’un me demande de quoi j’ai besoin et qu’il me suffit de nommer trois choses, ça m’aide tellement. Certains de mes amis viennent passer des fins de semaine à la maison et en profitent pour nettoyer les toilettes. C’est difficile à accepter. Tu ne peux pas demander ça à quelqu’un. C’est tellement plus facile quand les gens s’offrent d’eux-mêmes. Je ne veux pas avoir besoin qu’on lave mes toilettes, mais j’en ai besoin quand même. J’ai besoin qu’on m’aide. Après mon opération, ma mère est venue laver mon plancher à quatre pattes dans la cuisine. Certaines personnes m’ont prépayé des rendez-vous de réflexologie, ce qui m’aide beaucoup. Je ne dormais plus à cause de mes fractures à la hanche, et quelqu’un m’a apporté un surmatelas en mousse pour rendre mon lit plus confortable. Les fleurs et les cadeaux, ça fait toujours plaisir, mais je ne me lasse jamais des petits coups de pouce au quotidien, quand on m’aide avec des choses que je n’ai pas le choix de faire. C’est tellement utile. Le point de vue des professionnels de la santé
Conseils des fournisseurs de soins de santé
Les gens n’ont pas l’habitude – et pourtant!
– d’associer la maladie à un stade avancé aux adolescents et aux jeunes adultes. En fait, la plupart d’entre eux ont une compréhension très limitée de la maladie avancée en général. Cette ignorance peut les empêcher de reconnaître ce que vous vivez. Et même lorsqu’ils commencent à comprendre, ils peuvent tomber dans la peur et le déni, et vous priver de la compréhension et du soutien que vous méritez et dont vous avez besoin. La peur et le déni sont des émotions puissantes. Certaines personnes peuvent avoir peur de vous côtoyer parce qu’elles ne savent pas quoi dire ou quoi faire pour vous aider. Certaines ont peur de vous perdre, ce qui est compréhensible. D’autres ont peur de la maladie elle-même et veulent s’en éloigner le plus possible, ce qui les amène à prendre leurs distances. Les gens tombent dans le déni parce qu’ils sont incapables de faire face à la réalité et, parfois, parce qu’ils ne veulent pas penser au fait qu’ils pourraient eux-mêmes tomber malades un jour. Mettons une chose au clair : vous n’êtes pas responsable de la peur et du déni des autres. Peut-être êtes-vous aux prises avec les mêmes émotions, et vous avez le droit de prendre soin de vous et de vivre ce que vous avez à vivre en paix. Les réactions de peur et de déni sont souvent blessantes. Avec un peu de chance, vos proches reprendront le dessus de leurs émotions et vous offriront un soutien salutaire. Le fait de leur expliquer ce que vous vivez, si vous êtes à l’aise de le faire, peut les apaiser, leur faire accepter la réalité et, peut-être faciliter les choses pour vous. Cela dit, vous n’êtes pas responsable de rassurer les autres. Sous l’emprise de la peur et du déni, les gens disent parfois des choses qui ne sont d’aucune aide, même si leur intention est bonne. Vos proches ou même de purs étrangers peuvent vous lâcher des choses comme : « Mais pourtant, tu es si jeune! », « Je sais que tu vas t’en sortir. », « Il suffit d’être positif! », « Je sais ce que tu vis... », « Lâche pas! Mais d’où sortent toutes ces phrases creuses? Le lourd tabou qui pèse sur la maladie et la mort dans notre société peut causer bien des malaises et des paroles blessantes. Il vous appartient de choisir comment vous allez réagir chaque fois, que ce soit en ignorant le commentaire, en expliquant ce que vous vivez ou en jouant le jeu pour clore la discussion au plus vite. Faites ce qui répond le mieux à vos besoins.
Les relations avec les amis
L’effet de la maladie sur vos relations avec vos amis est peut-être une des choses qui vous préoccupent le plus. Le fait d’être la seule personne malade dans un groupe peut causer un grand sentiment d’isolement. Il se peut que certains de vos amis prennent leurs distances, de façon consciente ou inconsciente. Que ce soit parce qu’ils ont peur de la maladie ou parce qu’ils ne savent pas quoi dire, vous n’entendez plus parler d’eux. C’est difficile à prendre, surtout si vous pensiez pouvoir compter sur eux. Vous avez peut-être l’impression d’être devenu « mon-ami-qui-est-malade », une étiquette difficile à porter. Vous êtes aussi peut-être la première personne de votre groupe à vivre une telle situation, et vos amis ne savent pas comment réagir ou vous soutenir (ce qu’on voit moins dans les groupes d’amis un peu plus âgés). Certains vous diront « Si tu as besoin de quelque chose, tu me le dis? », une phrase bien intentionnée, mais souvent d’aucune utilité, car elle vous impose d’avoir à demander. Même si le soutien de votre cercle d’amis vous semble insuffisant, il n’est pas toujours facile de nouer de nouvelles amitiés. La maladie rend certaines personnes mal à l’aise. Il se peut aussi que votre santé vous empêche de participer pleinement aux mêmes activités que vos pairs. Si vous êtes en traitement, vous ne voyez sans doute pas beaucoup de jeunes de votre âge à l’hôpital. Tout ça arrive à un moment de votre vie où, comme tous les adolescents et les jeunes adultes, vous avez soif d’indépendance et vous accorde de plus en plus d’importance à vos relations avec vos amis. Peut-être que des personnes dont vous n’attendiez rien vous ont tendu la main, ce qui peut faire du bien. À l’opposé, d’autres insistent parfois tellement qu’elles finissent par vous tomber sur les nerfs. Peut-être aussi que c’est VOUS qui devez les consoler. C’est un cliché, mais selon certains adolescents et jeunes adultes c’est un temps où on découvre qui sont nos vrais amis. Même avec le soutien des amis, il est possible de se sentir isolé et incompris. Que faire? Premièrement, vous avez le droit d’être plus sélectif dans vos fréquentations. Vous n’avez pas à passer du temps avec des amis qui vous irritent ou vous épuisent. Vous n’avez pas non plus à être le thérapeute de service. Essayez d’établir de saines limites et d’investir dans les relations qui vous font du bien. L’isolement social est très commun chez les jeunes adultes atteints d’une maladie à un stade avancé, mais il existe d’excellentes ressources dont vous pouvez profiter.
La force de la communauté
Les adolescents et les jeunes adultes qui reçoivent un diagnostic de cancer sont envahis par un sentiment d’isolement qui frappe fort. Le soutien des amis et de la famille est précieux, mais rien ne remplace celui de personnes qui peuvent vraiment comprendre. Passer du temps avec quelqu’un qui sait ce que vous vivez et qui vous accepte tel que vous êtes, avec toutes vos émotions et sans jugement, aide souvent à briser l’isolement. Les programmes pour adolescents et jeunes adultes, qu’ils soient en ligne ou en personne, permettent de se joindre à une communauté où on se sent à l’aise, compris et soutenu. Young Adults Cancer Canada (YACC) est un organisme qui met les jeunes adultes en contact pour qu’ils puissent bénéficier du soutien et de la compréhension de leurs pairs. La clientèle de l’organisme va de personnes qui viennent de recevoir leur diagnostic à d’autres dont le cancer est terminal. L’amitié et le soutien des pairs sont extrêmement riches et précieux. Toute l’équipe de YACC est déterminée à prendre soin de cette communauté, à être à l’écoute de ses besoins et à assurer son développement. Aucun jeune adulte ne devrait avoir à rester seul avec son cancer. YACC est toujours là pour les aider.
Les relations avec les parents
Il se peut que votre diagnostic ait modifié votre relation avec vos parents ou soignants. L’effet – positif, négatif ou nul – dépend souvent du lien que vous aviez déjà avec eux. Leur parlez-vous beaucoup? Êtes-vous proches? Peut-être aussi que vous ne les voyez plus, ou très peu, ou que vous en avez perdu un, voire les deux, ce qui peut rendre les choses encore plus difficiles. Pour de nombreux adolescents et jeunes adultes, la maladie est une menace à l’indépendance. Vous devrez peut-être retourner chez vos parents (si c’est même une option) ou retarder le moment de partir de la maison. Il se peut aussi que vous commenciez à trouver que vos parents débarquent chez vous BEAUCOUP trop souvent. D’une certaine façon, vous avez l’impression qu’on vous force à la dépendance, ce qui peut être encore plus difficile à accepter si vous voyez des amis quitter le nid familial pour voler de leurs propres ailes. Même si votre indépendance en prend pour son rhume, il est possible que vos parents soient votre plus grande source de soutien émotionnel, physique, financier, etc. À l’opposé, peut-être qu’ils sont déjà âgés et que vous devez vous occuper d’eux en plus de prendre soin de vous. Si en plus vous avez des enfants, vous faites partie de la génération « sandwich », un « sandwich » parfois dur à avaler, parce que vous êtes coincé entre les besoins de vos enfants et ceux de vos parents en plus d’avoir à vous occuper des vôtres. La réaction des parents et des soignants varie énormément. Bien sûr, ils ont peut-être peur pour vous. Ils sont peut-être très anxieux, ou des parents poules. Peut-être qu’ils sont distants, ou carrément absents. Vous êtes peut-être leur source de soutien émotionnel, ce qui n’est pas votre responsabilité. Peut-être aussi qu’ils respectent votre autonomie et vous donnent un coup de main au besoin. Personne ne connaît mieux vos parents que vous, alors à vous de déterminer comment vous voulez gérer votre relation avec eux tout en protégeant votre indépendance, votre vie privée et votre individualité.
La perte d’indépendance
De nombreux adolescents et jeunes adultes ont peur de perdre leur indépendance et de devenir un fardeau pour leurs proches à mesure que la maladie progresse. Certains retournent habiter chez leurs parents pour avoir plus d’aide. D’autres vivent de façon autonome, mais ont des parents qui s’impliquent beaucoup dans les soins et les décisions médicales, et qui les aident à se laver, se vêtir, etc. Cette perte d’une indépendance chèrement gagnée est souvent difficile à envisager et à accepter. Si vous êtes en couple, vous avez peut-être peur que votre relation d’égal à égal devienne une relation de dépendance où vous devez compter sur l’autre pour des soins de base et du soutien émotionnel. Il est important de vous rappeler que les gens qui vous entourent veulent et peuvent vous aider. Eux-mêmes ressentent sûrement beaucoup d’impuissance face à la situation. Il n’y a rien de mal à accepter de l’aide et à nouer de nouvelles relations avec des gens qui pourraient être une source de soutien additionnel pour vous et vos proches (parents, conjoint ou conjointe, etc.). D’autres ne seront peut-être pas capables ou prêtes à s’impliquer dans la nouvelle vie que vous impose la maladie. Il est important d’avoir des conversations franches et régulières avec les autres pour maintenir votre identité personnelle malgré les pertes d’autonomie. Dites à vos proches de quoi vous avez besoin, que ce soit de l’aide pour vous laver et vous déplacer, ou encore quelqu’un avec qui parler et évacuer vos frustrations. Exprimez-vous clairement et établissez le genre d’aide que vous êtes prêt à accepter – ou pas – de certaines personnes. Utilisez les ressources disponibles pour combler tous vos besoins. Il peut s’agir d’un préposé pour vos soins d’hygiène personnelle, d’un psychologue ou d’un travailleur social pour discuter de vos préoccupations et besoins émotionnels, ou même d’un aumônier à qui poser vos questions spirituelles.
Resources
Katie Davidson
Ce n’est pas parce que j’ai le cancer que je suis « courageuse ».
J’essaie simplement de ne pas mourir. Vous feriez sans doute la même chose à ma place.
Katie Davidson
J’ai mis les choses au clair dès le début : mon cancer n’est pas une guerre.
Je n’ai pas de « batailles » ou de « luttes » à perdre ou à gagner. Les personnes atteintes d’un cancer à un stade avancé en ont vraiment ras le bol de ces métaphores de merde qui nous mettent beaucoup de pression même si on n’a aucun contrôle sur la maladie. Si le cancer était une bataille, je l’aurais déjà gagnée. J’ai le cancer. Les traitements sont efficaces – ou pas. Je ressens déjà tellement de culpabilité à l’idée que mon cancer privera mon mari de sa femme à un jeune âge, forcera mes parents à enterrer leur plus jeune et plongera mes amis dans le deuil. Je ne peux pas supporter en plus l’idée que c’est parce que « je ne me bats pas assez fort ».
Katie Davidson
Je n’ai pas choisi d’avoir le cancer.
Je ne demande qu’à guérir, mais ce n’est pas comme si les cellules cancéreuses qui se multiplient dans mon corps se disaient : « Oh, celle-là est combative, on ferait mieux de ralentir. » C’est absurde. Je suis une fille très optimiste et je fais vraiment tout ce que je peux. Si on me dit de faire X-Y-Z pour empêcher le cancer de se répandre, non seulement je fais X-Y-Z, mais aussi A-B-C. Je suis prête à tout faire pour ne pas mourir, ce qui ne veut pas dire que je mène un « combat ». Soit le traitement est efficace, soit il ne l’est pas.
Katie Davidson
Je n’arrête pas de me faire dire : « Tu as l’air bien!
» Peu importe la tête que j’ai, je ne me sens vraiment pas bien. Ce n’est pas parce que je n’ai pas l’air malade que je ne le suis pas.